« Soyez sympathique ! » « Contrôlez l’interview ! » « Improvisez ! »
Voici 3 mauvais conseils qu’il est tout à fait possible de recevoir lorsque vous préparez une interview.
Une interview n’est pas un concours de popularité, ni un sport de combat. Tôt ou tard vos propos seront publiés, très probablement sur internet, et malgré le droit à l’oubli, resteront pendant longtemps témoins de vos opinions.
Si vous avez l’opportunité de vous exprimer devant un journaliste, il est bien plus raisonnable d’en profiter pour transmettre un message, de préférence mémorable, et idéalement cité par la suite dans les médias.
Media Training
Un des rôles du « Media Training » – ou préparation à la prise de parole devant une caméra – est de vous aider à façonner votre message afin de le rendre adapté aux médias.
Cet article est dédié au premier axe d’amélioration – l’extraction d’un message clé et son optimisation – les deux autres faisant l’objet de prochains chapitres.
Concision et clarté
Un journaliste prépare toujours ses interviews, en choisissant le sujet abordé, un angle, des questions. Cependant, le message que vous décidez de lui livrer vous appartient, indépendamment des questions qu’il peut vous poser.
Si vous avez été désigné pour parler au nom d’une organisation, vous maîtrisez déjà le sujet en question. Vous avez envie d’exposer votre expertise en parlant de tous ces détails techniques qui vous passionnent… Désolé, ce n’est pas une bonne stratégie.
Contrairement à un article ou une étude scientifique, qui se déploie sur des pages entières, vous offrant la possibilité de structurer votre sujet en chapitres, sous-chapitres et paragraphes, ouvrir et fermer des parenthèses, créer des hyperliens et des notes de bas de page, une interview, compte tenu de sa forme courte, vous oblige à être clair et concis.
C’est pourquoi, lorsque vous la préparez, il est essentiel de réduire votre discours à deux ou maximum trois messages clés. De plus, chaque message doit être contenu en une seule phrase.
Je sais, je sais, le processus n’est pas facile. Pour vous tout est important, et renoncer à une partie des informations vous paraît être un sacrilège. Seulement, une interview chargée en détails devient dans le meilleur des cas ennuyeuse, et dans le pire – oubliable.
Pour assurer la « mémorabilité » et la « citabilité » (je viens d’inventer le mot) d’un message, vous devez le construire d’une façon différente – concision et clarté étant les mots clés d’une telle démarche.
Comment choisir les messages clés ?
Vous connaissez sûrement les célèbres « Five Ws » (Who, What, When, Where, Why) – les cinq questions incontournables utilisées dans le journalisme.
Au moment de l’interview vous allez avoir affaire à un journaliste, alors c’est une bonne idée d’avoir les réponses prêtes, même si les questions ne seront pas ouvertement formulées.
Si vous préparez l’interview en équipe, organisez une séance de brainstorming, et encouragez vos collaborateurs à apporter toute réponse imaginable aux trois questions principales : Qui ? + Quoi ? + Pourquoi ? Ecrivez-le sur un tableau.
(Si cela s’applique à votre activité, rajoutez les deux questions secondaires : Quand ? et Où ?)
Le moment difficile est arrivé : vous devez à présent choisir les informations que vous allez conserver pour l’interview.
Déjà, éliminez sans regret celles qui rappellent la communication interne, et qui sans doute sont utiles seulement pour vos collaborateurs. Une interview n’est pas la solution idéale pour les communiquer.
Maintenant, posez cette question à vos collègues : s’ils devaient transmettre une seule information aux journalistes, laquelle serait-elle ? Et pour les spectateurs ?
Soumettez au vote et conservez trois réponses, celles qui font l’unanimité quant à leur importance : les incontournables.
Si vous êtes seul, et vous devez prendre ces décisions sans consulter vos collaborateurs, voici trois exercices qui vous aideront à épurer votre discours et à identifier les deux-trois messages qui méritent d’être retenus.
Exercice 1 : Imaginez que vous avez acheté 20 secondes de diffusion en prime-time sur une chaîne de télévision populaire. Des millions de téléspectateurs écouteront votre message.
Ecrivez un texte qui représente l’essence de votre discours.
Lisez-le à haute voix et chronométrez-vous. Tout ce qui dépasse 20 secondes sera automatiquement coupé au montage. Il est important que les spectateurs entendent la fin, donc si votre discours dépasse les 20 secondes, raccourcissez-le.
Exercice 2 : Imaginez que vous écrivez un article sur le même thème, qui sera publié dans un magazine. A côté du titre sera citée une phrase représentative, extraite de l’article.
Pour des raisons de mise en page, cette phrase ne doit pas dépasser 30 mots. Ecrivez-là et comptez les mots. Si elle en dépasse 30, raccourcissez-là, sinon la fin ne sera pas publiée.
Exercice 3 : Faites une liste de tous les messages qui vous semblent importants.
Prenez les messages un par un et posez-vous la question suivante : « Si ce message était l’unique à être retenu dans le montage final, est-ce que cela me conviendrait ? »
Si la réponse est « non », supprimez-le. Rangez les messages restants par ordre d’importance, et conservez les trois premiers.
L’emballage
Seul ou en équipe, vous avez maintenant vos trois idées, prêtes à être soutenues devant le journaliste.
Dans un premier temps, réécrivez chaque message sous forme d’une phrase simple contenant un sujet + verbe + complément(s). Vos messages doivent être suffisamment clairs pour être compris hors contexte.
En plus, les messages choisis doivent répondre à deux critères fondamentaux : ils doivent être mémorables et crédibles.
Pour rendre un message mémorable, associez-le à une histoire ou une anecdote. De cette façon-là, il est plus facile à comprendre et par association, le public le retiendra.
Pour rendre un message crédible, utilisez des statistiques, des exemples et des chiffres pour valider ce que vous dites. Cela rajoute de la plausibilité et apporte la mesure de son importance.
Le paradoxe hypocrite
Pour qui communiquez-vous réellement et pourquoi ? Sans doute, le but ultime, réel, de votre communication est toujours un but égoïste. Vous souhaitez augmenter votre visibilité, votre notoriété, et en fin de compte votre chiffre d’affaires.
Mais vous ne pouvez pas être aussi sincère avec le public, vous le perdriez. En bon vendeur, vous allez construire un message différent. Hypocritement, vous allez expliquer à vos clients que tous vos efforts ont pour unique but leur bien-être, leur prospérité (« faire du ciel le plus bel endroit de la terre… pfff… »).
Alors, voici ce que je vous propose : écrivez chaque message de deux façons différentes.
Une fois, formulez-les avec le public en vue. Qu’est-ce qu’ils ont à gagner ? Comment leur vie sera plus belle grâce à vos produits ou services ?
Une deuxième fois, ajustez-le pour les objectifs de votre affaire. Que voulez-vous obtenir ?
C’est un paradoxe, car ces deux messages, qui se contredisent violemment dans leur forme, sont censés représenter la même entreprise.
L’art de la communication est de trouver un équilibre entre vos intérêts personnels et la promesse pour le public. Autrement dit, être hypocrite, oui, mais pas trop. Comme souvent dans la vie, le succès est dans le dosage.
A ne pas éviter
Dernier point, souvent oublié, mais vital : préparez des réponses solides pour les questions que vous espérez ne pas entendre. Dans la communication d’une organisation, il y a toujours un point délicat, un sujet difficile à expliquer, que vous préféreriez éviter.
Ne vous faites pas d’illusions, les journalistes ont le talent de trouver des questions difficiles, imprévisibles, parfois sans rapport avec le thème de l’interview, et certains d’entre eux trouvent même un plaisir malsain de vous voir en difficulté.
Si avant l’interview vous transpirez en vous disant « J’espère qu’il ne me posera pas cette question… », alors c’est précisément pour cette question-là qu’il faut être préparé. Au cas contraire, un tel moment risque de vous déstabiliser, vous faire perdre votre calme, et compromettre la suite de l’interview.
Demandez à vos collaborateurs de vous préparer une liste de questions auxquelles ils estiment que vous aurez des difficultés à répondre. Demandez-leur d’être impitoyables. Il est préférable de découvrir et préparer ces questions devant vos partenaires, plutôt que devant un journaliste.
Prêt ?
Vous avez vos trois message, mémorables et crédibles, soutenus et illustrés. Vous avez même des réponses plausibles pour les questions difficiles.
Si vous souhaitez approfondir le sujet, ou bénéficier d’une session de coaching personnalisé en Media Training, je suis là pour vous aider.
Si tout est clair, rendez-vous la semaine prochaine pour la suite de l’aventure – la préparation pour affronter la caméra.