Le déploiement généralisé de 360° permet de mieux distinguer ce qui différencie les meilleurs managers des moins bons. Les premiers ont une posture que les seconds n’ont pas ou, si l’on est positif, pas encore ! Pour autant, les meilleurs ne sont pas forcément sortis d’affaire …
Le 360° pour l’ensemble des managers d’une organisation est un dispositif qui se généralise aujourd’hui. Pour notre part, nous le déployons depuis plus de 25 ans maintenant. Et nous en avons fait bénéficier plus de 7 000 managers à ce jour.
A chaque déploiement, nous analysons les résultats de manière détaillée.
Et nous nous sommes posé la question :
qu’est- ce qui distingue les managers les mieux évalués par leurs collaborateurs des managers les moins bien évalués ?
Voilà quelques éléments de réponse …
Constat n°1 : les meilleurs se sous-évaluent quand les moins bons se surévaluent
Il s’agit là d’un exemple : ceux de 250 dirigeants et managers d’une organisation de 60 000 personnes (2018 – 2019). Nous avons vérifié ce même constat à de nombreuses autres occasions, sur des populations de plusieurs centaines de managers.
NB : les “meilleurs” sont, ici et dans la suite de cet article, à comprendre comme ceux faisant partie des 20% les mieux évalués par leurs collaborateurs directs, i.e. les plus proches de la culture managériale visée par l’organisation (globalement, du très bon management) ; les “moins bons” sont, à l’inverse ceux qui sont dans les 20% les moins bien évalués par leurs collaborateurs directs
Alors : qu’est-ce qui différencie les meilleurs des moins bons ?
Il y a tout d’abord ce qui ne les différencie pas ou peu : les 2 groupes s’auto-évaluent sensiblement au même niveau.
Mais, car il y a un gros « mais » : les managers les moins bien évalués par leurs n-1 se surévaluent de 8 points là où les managers les mieux évalués par leurs n-1 se sous-évaluent de 12 points !
Dans le groupe des moins bien évalués, il y a, bien sûr, des managers jeunes dans une fonction nouvelle pour eux et pour laquelle ils n’ont pas bien été formés. Ceux-là, en général, ne se surévaluent pas.
Mais d’autres sont en large surévaluation. Et leur manque de lucidité et d’humilité constitue, à l’évidence, un frein à leur progression.
On peut y avoir là une nouvelle illustration de l’effet Dunning-Kruger.
L’effet Dunning-Kruger est un biais cognitif selon lequel les moins qualifiés dans un domaine surestiment leur compétence :
la personne incompétente tend à surestimer son niveau de compétence
la personne incompétente ne parvient pas à reconnaître la compétence de ceux qui la possèdent véritablement
la personne incompétente ne parvient pas à se rendre compte de son degré d’incompétence
…
Quand on les écoute, en restitution de leurs résultats 360°, certains des managers de cette catégorie sont dans une réelle utopie managériale :
mon management est le seul et bon management, il n’y en a pas d’autres ou alors, ils sont moins efficaces
la satisfaction des collaborateurs importe peu et n’a aucun impact sur les résultats de mon équipe et de mon entité
…
D’un autre côté, il est également intéressant de noter que le 360° permet aux meilleurs d’ajuster leur auto perception : leurs collaborateurs directs peuvent avoir une bien meilleure perception de leur management que la leur !
Le problème, pour certains d’entre eux, est qu’ils ont un réel déficit de confiance en eux-mêmes voire un vrai syndrome de l’imposteur :
mes collaborateurs sont gentils mais ils ne voient pas forcément mes erreurs de management et ils me surestiment vraiment
je ne fais rien de spécial en matière de management, je ne fais ni plus ni moins ce que tous les managers font
en fait, j’ai eu beaucoup de chance jusqu’ici, ça pourrait ne pas durer
…
Cette modestie quasi pathologique les pénalise fortement :
elle peut pénaliser la confiance chez les collaborateurs (comment pourraient-ils accorder pleinement leur confiance à quelqu’un … qui n’a pas déjà confiance en lui-même ?)
elle s’accompagne généralement d’une réelle difficulté à accepter la possibilité même de l’échec
elle peut se traduire par un vrai risque de sur-investissement et de burn out (surtout ne faire aucune erreur pour ne pas être “démasqué” ; rattraper moi-même le coup en cas d’erreurs de mes collaborateurs ; …)
…
Jamais je ne voudrais faire partie d’un club qui accepterait de m’avoir pour membre
Groucho Marx
Constat n°2 : au regard de l’exercice même du 360°, la posture des meilleurs est significativement différente de celle des moins bons
En entretien de restitution de leurs résultats 360°, les mots employés par les uns et les autres sont clairement différents et marquent des postures radicalement distinctes.
Lors de cet entretien, ce qu’on entend généralement chez les moins bien évalués, plus ou moins explicitement :
avec l’expérience qui est la mienne, j’attends que vous me démontriez que j’ai tort, que ma perception des choses n’est pas la bonne … peut-être y arriverez-vous mais il va falloir que vous soyez très bon !
ça c’est moi, je suis comme ça et on ne me changera pas ; je connais mes limites
à mon âge, je ne vois pas bien l’utilité de changer
moi, ça va … le problème, c’est les autres (l’organisation, les politiques mises en place, mes n-1, mon n+1, …) !
… ces résultats …
oui, mais …
…
Chez les mieux évalués, la tonalité est tout autre :
je vous écoute
… mes résultats …
je considère que je peux toujours apprendre et progresser, qu’il n’est jamais trop tard pour changer
je me considère comme 100% responsable de ma situation et de mon sort ; cela, même si ce n’est pas forcément totalement vrai
je cherche à comprendre votre point de vue et ce qui, dans tout ça, pourrait me permettre de progresser encore
concrètement, que me recommanderiez-vous de faire ?
…
Ainsi :
les meilleurs ont une réflexion sur eux-mêmes et leur pratique ; ils se posent des questions sur leur management ; ils peuvent avoir des doutes mais, s’ils ont des convictions, ils n’ont pas de certitudes
ils partagent des informations et des réflexions, y compris personnelles, avec le coach
ils sont réellement à l’écoute et investiguent en posant des questions, généralement très pertinentes (on peut d’ailleurs se faire une idée de la valeur de quelqu’un au travers de la pertinence des questions qu’il pose)
ils ont clairement envie de progresser dans leur pratique managériale
…
ce qui ne les empêche évidemment pas de « faire leur marché » et de décider par eux-mêmes, en final, de ce qu’ils vont faire de leurs résultats.
Et il ne faut pas se leurrer, il existe une “similitude des gestalts” : les meilleurs sont dans leur vie managériale comme ils le sont dans l’entretien de restitution, c’est-à-dire à l’écoute, positifs et constructifs. C’est (aussi) pour ça qu’ils sont grandement appréciés (voire adorés) de leurs collaborateurs, qui le font savoir via le 360° !
Les gens les plus intelligents révisent en permanence leur compréhension des choses, ils revoient des problèmes qu’ils pensaient avoir déjà résolus ; ils sont ouverts à de nouveaux points de vue, à de nouvelles informations, à de nouvelles idées, à des contradictions, qui challengent leur manière de penser
Jeff BEZOS, Amazon
Et maintenant, on fait quoi ?
Au moins 2 choses.
La 1ère : faites évoluer la culture managériale de votre organisation
Nous ne trompons pas : pour un manager, changer tout seul dans coin sera toujours plus difficile que s’il est “embarqué” dans un mouvement collectif qui va dans le même sens !
Ainsi, si ce n’est déjà fait, il est grand temps :
de revisiter la culturemanagériale de votre organisation pour y ajouter certains ingrédients clés ; citons, dans le désordre (à chaque organisation de choisir son dosage dans les priorités et sa manière de formuler les choses) : agilité, humilité, écoute, curiosité, innovation, recherche et appui sur des éléments factuels, modestie (acceptation des critiques, reconnaissance de ses erreurs), prise de risque et d’initiatives, droit à l’erreur, vouloir progresser, apprendre à apprendre en permanence, …
de lancer un programme de mise en œuvre pour ne pas en rester à l’incantatoire et ancrer cette nouvelle culture cible dans l’opérationnel quotidien (et il y a beaucoup de leviers à activer, cf notre article « Valeurs d’entreprise : le benchmark ! », lien en 1er commentaire)
La 2ème : déployez largement le 360° pour permettre à vos managers de commencer à « apprendre à apprendre »
Il y a beaucoup de leviers … et il en est un qui est clé : le 360°
Ce qu’il permet ?
pour tous les managers, « nettoyer ses lunettes », accéder à sa « part aveugle » (cf notre article « Et moi, elle est à combien ma part aveugle ? », lien en 1er commentaire), se situer au regard des ingrédients de la nouvelle culture cible, entrer dans une logique de progression managériale, …
pour les meilleurs, renforcer leur confiance en eux
pour les moins bons, avoir une chance de quitter leur « bulle d’utopie”
…
Et la progression individuelle de chaque manager donne, à l’arrivée, une progression collective vers la culture managériale cible. Nous sommes donc bien là dans une démarche “gagnant/gagnant”.
Compte tenu du nombre de paramètres à ajuster au plus près de la culture, du contexte et des ambitions, il y a autant de dispositifs 360° que d’organisations ou presque. Mais le 360°, à la condition d’être conçu et déployé professionnellement, est clairement un outil de progression parmi les plus puissants qui soient.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
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Vous pouvez consulter sur mon profil mes autres publications sur la Culture et les Valeurs d’entreprise (liens en 1er commentaire):
Diagnostic 360° : “maintenant, je sais que tu sais …”